GABRIEL DÍEZ ABADIE
Universidad de Las Palmas de Gran Canaria
Resumé
Cette étude explore les défis auxquels sont confrontés les apprenants hispanophones du français langue étrangère (FLE) dans la perception de la voyelle nasale [ɔ̃] et propose des stratégies de remédiation. Pour évaluer cette compétence, une étude de cas via un test de catégorisation libre a été menée avec des élèves du secondaire, divisés en un groupe expérimental et un groupe de contrôle. Au début, la performance moyenne était de 46%, indiquant une perception limitée. Cette faible performance initiale met en exergue des difficultés dans la distinction de mots ne différant que par la nasalisation. C'est dans ce contexte qu'un entraînement phonétique spécifique a été administré. À la suite de cette intervention, une augmentation significative à 75% dans la performance moyenne a été notée. Les résultats montrent que la position de [ɔ̃] dans les mots influence la perception, avec une meilleure reconnaissance quand la voyelle se trouve en position finale. Les résultats révèlent également une divergence dans les performances entre les groupes expérimental et contrôle, le premier montrant une amélioration prononcée. La conclusion souligne l'impact positif de l'entraînement phonétique sur la perception de [ɔ̃]. Cependant, les variations dans les résultats suggèrent un besoin de recherche supplémentaire pour comprendre les mécanismes sous-jacents. L'étude préconise une révision des méthodes pédagogiques, intégrant un entraînement phonétique intensif pour une maîtrise améliorée des nuances phonétiques du français. Ces résultats éclairent la voie vers l'amélioration des stratégies pédagogiques et encouragent des recherches plus approfondies pour affiner les interventions éducatives pour les apprenants hispanophones du FLE.
Mots-clé
Phonétique; voyelle nasale; perception; apprenants hispanophones; entraînement phonétique.
The nasal vowel [ɔ̃] in french as a foreign language: mistakes and remediation strategies
Abstract
This study explores the challenges faced by Spanish-speaking learners of French as a foreign language (FLE) in perceiving the nasal vowel [ɔ̃] and suggests remediation strategies. To evaluate this skill, a case study using a free categorization test was conducted with high school students, divided into an experimental group and a control group. Initially, the average performance was 46%, indicating limited perception. This initial low performance highlights difficulties in distinguishing words that only differ by nasalization. In this context, specific phonetic training was administered. Following this intervention, a significant increase to 75% in average performance was noted. The results show that the position of [ɔ̃] in words influences perception, with better recognition when the vowel is in the final position. The results also reveal a divergence in performances between the experimental and control groups, with the former showing pronounced improvement. The conclusion underscores the positive impact of phonetic training on the perception of [ɔ̃]. However, variations in the results suggest a need for additional research to understand the underlying mechanisms. The study advocates a revision of pedagogical methods, incorporating intensive phonetic training for enhanced mastery of French phonetic nuances. These findings pave the way for improving pedagogical strategies and encourage deeper research to refine educational interventions for Spanish-speaking FLE learners.
Keywords
Phonetics; nasal vowel; perception; Spanish-speaking learners; phonetic training.
La vocal nasal [ɔ̃] en francés como lengua extranjera: errores y estrategias de remediación
Resumen
Este estudio explora los desafíos que enfrentan los aprendices hispanohablantes del francés como lengua extranjera (FLE) en la percepción de la vocal nasal [ɔ̃] y propone estrategias de remediación. Para evaluar esta habilidad, se realizó un estudio de caso a través de una prueba de categorización libre con estudiantes de secundaria, divididos en un grupo experimental y uno de control. Inicialmente, el rendimiento promedio fue del 46%, indicando una percepción limitada. Este bajo rendimiento inicial resalta las dificultades para distinguir palabras que solo difieren por nasalización. En este contexto, se administró un entrenamiento fonético específico. Tras esta intervención, se notó un aumento significativo al 75% en el rendimiento promedio. Los resultados muestran que la posición de [ɔ̃] en las palabras influye en la percepción, con un mejor reconocimiento cuando la vocal está en la posición final. También se revela una divergencia en los rendimientos entre los grupos experimental y de control, mostrando el primero una mejora pronunciada. La conclusión subraya el impacto positivo del entrenamiento fonético en la percepción de [ɔ̃]. Sin embargo, las variaciones en los resultados sugieren una necesidad de investigación adicional para entender los mecanismos subyacentes. El estudio aboga por una revisión de los métodos pedagógicos, incorporando un entrenamiento fonético intensivo para una mejor maestría de las sutilezas fonéticas del francés. Estos resultados iluminan el camino hacia la mejora de las estrategias pedagógicas y fomentan investigaciones más profundas para refinar las intervenciones educativas para los aprendices hispanohablantes del FLE.
Palabas clave
Fonética; vocal nasal; percepción; aprendices hispanohablantes; entrenamiento fonético.
Recibido el 02/10/2023
Aceptado el 01/02/2024
Cómo citar/how to cite
Díez Abadie, G. (2024). La voyelle nasale [ɔ̃] en FLE: erreurs et stratégies de remédiation. Revista Internacional de Lenguas Extranjeras / International Journal of Foreign Languages, 22, 41-61. https://doi.org/10.17345/rile22.3904
La maîtrise de la phonétique et de la phonologie est essentielle pour l'apprentissage des langues étrangères non seulement pour pouvoir s’exprimer avec clarté et précision, mais aussi pour garantir une communication interculturelle efficace. Dans les contextes professionnels ou académiques, où le français peut servir de lingua franca, une prononciation claire évite les malentendus et facilite les échanges constructifs. Toutefois, lorsque des sons spécifiques à une langue sont inexistants dans une autre, cela crée des défis d'apprentissage pour les étudiants, car ces sons peuvent être difficiles à percevoir, à produire et à intégrer. La question de la perception, de la production et de l'acquisition des sons dans les langues étrangères par les apprenants a été largement explorée au fil des décennies (Lado, 1957; Flege, 1987; Eckman, 2004, entre autres).
Un domaine d'intérêt particulier est celui des voyelles nasales en français langue étrangère (FLE dès à présent), qui représentent un défi significatif pour les apprenants de cette langue car elles sont souvent source de problèmes de communication. Des études précédentes ont examiné la perception et la production des voyelles nasales par des locuteurs de diverses origines linguistiques, y compris les étudiants américains (Inceoglu, 2014), arabophones (Nawafleh, 2013), japonais (Detey et al., 2014), et grecs (Kakoyianni-Doa et al., 2017). Cependant, les résultats varient considérablement, soulignant la nécessité d'examiner plus spécifiquement chaque groupe linguistique.
Pour les apprenants hispanophones, les voyelles nasales du français, absentes de leur système phonologique initial, peuvent être particulièrement difficiles à percevoir et à prononcer. Bien que les difficultés phonétiques que rencontrent ces apprenants soient largement documentées (Companys, 1966 ; Léon et Léon, 1976, 1997 ; Wioland, 1991 ; Skupien Dekens et Kamber, 2010), les études axées spécifiquement sur les voyelles nasales sont moins fréquentes. Cette recherche se concentre donc sur la perception de la voyelle [ɔ̃] par les étudiants hispanophones en FLE et vise à combler ce manque dans la littérature. Comprendre les difficultés qu’ils rencontrent avec cette voyelle nasale et développer des stratégies d'enseignement efficaces peut améliorer significativement l'enseignement du FLE, tout en les aidant à surmonter des obstacles majeurs à la communication.
Par conséquent, l'objectif principal de cet article est de mieux comprendre le processus de perception de la voyelle nasale [ɔ̃] du français par des apprenants espagnols de niveau secondaire de FLE et de proposer des stratégies de remédiation. Pour atteindre cet objectif global, cet article vise spécifiquement à (i) identifier les difficultés particulières qu’ils rencontrent dans la perception de la voyelle nasale [ɔ̃] ; (ii) suivre leur progression en termes de perception de cette voyelle au cours d'un trimestre d'apprentissage ; et (iii) analyser les bénéfices qu'un entraînement phonétique spécifique à la voyelle [ɔ̃] peut avoir sur leur performance de perception.
Ces objectifs sont essentiels pour une meilleure compréhension des défis spécifiques que les voyelles nasales comme [ɔ̃] posent aux apprenants hispanophones de FLE et fournissent des indications pour l'élaboration de méthodes pédagogiques efficaces.
Le système vocalique français comprend seize voyelles, parmi lesquelles douze sont orales ([i, y, e, ø, ə, ɛ, œ, a, ɑ, ɔ, o, u]) et quatre sont nasales ([ɛ̃, œ̃, ɑ̃, ɔ̃]). Cependant, selon la littérature (Léon et Léon, 1976; Tomé Díez, 1996; Wioland, 1991; Lauret, 2007; Detey et Racine, 2012; entre autres), le système vocalique du français standard essentiel à toute communication admet une réduction de ses unités totales à dix phonèmes voyelles oraux (/i, y, e, ø, ɛ, œ, a, ɔ, o, u/) et trois phonèmes voyelles nasales (/ɔ̃, ɛ̃, ɑ̃/). Ces voyelles n’ont pas d'équivalent dans la structure phonologique de la langue espagnole, ce qui pose des problèmes à la fois de perception et de production (Bustamante et al., 2014; Detey et al., 2010) puisqu’ils sont absents de leur crible phonologique (Troubetzkoy, 1939).
Le présent article s'inscrit dans la continuité de ma thèse doctorale qui explorait de manière approfondie les trois voyelles nasales du français dans l'acquisition par des apprenants hispanophones (Díez Abadie, 2023). En mettant en lumière les résultats détaillés issus des épreuves phonétiques, cet article se focalise spécifiquement sur la voyelle nasale [ɔ̃]. Ce choix repose sur des observations empiriques qui démontrent que [ɔ̃] se distingue par des taux de réussite significativement différents dans diverses positions syllabiques et environnements consonantiques, un fait qui n'est pas aussi marqué pour [ɛ̃] et [ɑ̃]. Plus précisément, la voyelle [ɔ̃] manifeste un intérêt particulier en raison de sa performance élevée en position initiale absolue et de ses défis en position interconsonantique. Ce constat suggère que [ɔ̃] pourrait constituer un indice diagnostique plus fiable des compétences phonétiques en français des apprenants hispanophones.
En effet, la voyelle nasale [ɔ̃] en français est un phonème qui pose un défi d’acquisition notable pour les apprenants hispanophones. Ces derniers ont tendance non seulement à la confondre avec les autres voyelles nasales, mais aussi à la dénasaliser, ce qui peut occasionner des erreurs, en particulier en matière de genre lexical. Ce phénomène de dénasalisation de ces voyelles en français peut effectivement entraîner des confusions entre des paires de mots où le seul critère de distinction est la présence ou l'absence de nasalisation, comme avec les mots « bon » et « bonne ». Dans ce cas précis, le premier mot masculin se termine par la voyelle nasale [ɔ̃], tandis que le féminin contient la voyelle orale [ᴐ] et se termine par le son consonantique vélaire [n]. En outre, des mots comme « bon » (/bɔ̃]/ et « banc » (/bɑ̃/) peuvent être confondus si [ɔ̃] est mal prononcé ou perçu.
Bien que d'autres phonèmes du français, tels que [e] et [ɛ], puissent également supposer des défis, les erreurs y sont souvent circonscrites à ces paires de sons. En revanche, la perception et la production de [ɔ̃] peut être altérée par des phénomènes de dénasalisation, ainsi que par des confusions avec d'autres voyelles nasales, rendant son acquisition nettement complexe. En outre, les difficultés de perception et de production de cette voyelle peuvent avoir un impact significatif sur les échanges en français. En effet, ces erreurs peuvent conduire à des malentendus et entraver la communication fluide, à la fois pour les apprenants eux-mêmes et pour les interlocuteurs francophones.
Par ailleurs, la difficulté à maîtriser le phonème [ɔ̃] peut avoir des conséquences directes sur leur apprentissage du français. Les apprenants peuvent avoir du mal à comprendre les discours des francophones s'ils n'arrivent pas à identifier correctement le son [ɔ̃]. Cela peut ralentir leur progression et augmenter la nécessité de remédiations et de répétitions. Les difficultés persistantes avec le phonème [ɔ̃] peuvent également avoir un impact négatif sur leur motivation et leur confiance en leur capacité à bien parler le français. La frustration engendrée par les erreurs récurrentes et la nécessité constante d'interventions remédiatrices peut diminuer l'enthousiasme à apprendre. De plus, la peur de mal prononcer et de ne pas être compris peut créer un obstacle à l’interaction, ce qui peut mettre à mal leur confiance.
Face à ces défis, il convient de repenser certaines méthodes d'enseignement de FLE pour aider les apprenants hispanophones à maîtriser le phonème [ɔ̃]. Cela peut inclure l'introduction de ressources supplémentaires, comme des exercices de prononciation spécifiques et du matériel audio pour la pratique de l'écoute. De plus, une attention particulière pourrait être accordée à [ɔ̃] dans l'enseignement, avec une sensibilisation explicite aux problèmes courants de perception et de production. Cette approche ciblée pourrait améliorer l'apprentissage de [ɔ̃] et, par extension, la compétence phonétique en français des apprenants hispanophones.
La présente recherche vise à analyser la perception la voyelle nasale [ɔ̃] par un échantillon d'étudiants de FLE au sein du système public d'enseignement secondaire obligatoire (ESO) en Espagne, et l'évolution de cette perception après un entraînement spécifique. Il s’agit d’une étude de cas qui repose sur deux tests de catégorisation axés uniquement sur la perception de la nasale française [ɔ̃], réalisés par les mêmes informateurs à deux moments distincts. Pour ces deux tests, nous avons divisé nos informateurs en deux groupes : un groupe expérimental qui a reçu un entraînement spécifique et un groupe de contrôle.
Notre corpus se compose des résultats de ces deux tests menés auprès de 70 informateurs, dont les caractéristiques sont détaillées ci-dessous. Notre travail représente une approche de l'enseignement de la prononciation du FLE. Ce caractère préliminaire, ainsi que les objectifs qu'il poursuit, justifient la sélection d'un échantillon de tous les élèves d'un certain niveau d’un établissement scolaire où les élèves sont inscrits en français comme seconde langue étrangère depuis cinq années scolaires.
Au moment de la réalisation des tests, entre janvier et avril 2023, tous les informateurs avaient entre 14 et 15 ans et étaient inscrits en 3ème (3º de la ESO) dans un collège public de la capitale de Gran Canaria. En ce qui concerne le contexte socioéconomique de nos informateurs, comme le mentionne le projet éducatif du centre (PEC), nous pouvons dire que cet établissement est principalement fréquenté par des familles de classe moyenne, bien qu'il y ait un pourcentage de familles à faible revenu qui a augmenté en raison des effets de la crise du Coronavirus.
Pour harmoniser les résultats, tous les informateurs ont répondu à un questionnaire avant les tests dans lequel nous avons recueilli des informations pouvant influencer les résultats. Nous leur avons demandé s'ils prenaient des cours particuliers de français en dehors de l'école, s'ils avaient redoublé et s'ils avaient commencé à étudier le français à un autre moment qu’en 5ème année de primaire (CM2). Nous leur avons également demandé s'ils avaient une autre langue maternelle que l'espagnol. Nous n'avons pas tenu compte des enquêtes des étudiants ayant répondu positivement à l'une de ces trois questions.
Il convient également de souligner qu'aucun d'eux ne présente des besoins éducatifs spécifiques qui pourraient altérer les résultats de l'enquête. Pour tester le crible phonologique de nos élèves et son influence sur la correcte discrimination des voyelles nasales du français, les apprenants ont été répartis de manière équitable entre le groupe expérimental et le groupe de contrôle pour les deux tests.
La méthodologie adoptée pour cette étude repose sur un test de catégorisation libre, proposé à deux moments distincts (P0 et P1), inspiré des travaux de Dubois (1993) et s'appuyant sur le principe de catégorisation prototypique introduit par Rosch et Turbiaux (1976). Cette dernière notion soutient que l'économie cognitive et la perception structurée du monde sous-tendent le processus de catégorisation, facilitant une classification rapide et économique des objets perçus.
La focalisation de cette recherche s'est portée sur la catégorisation d’un stimulus sonore spécifique : une voyelle nasale encapsulée dans un logatome (selon le Larousse en ligne, un logatome peut être défini comme suit : « suite de sons correspondant aux règles phonologiques d'une langue mais sans signification propre », s. d.). Dans la quête d’un cadre authentique optimal pour l'étude de la catégorisation perceptive des sons, l’utilisation de logatomes se présente comme une alternative privilégiée, contournant la nécessité d'une connaissance préalable du système (méta)phonologique ou orthographique.
Notre corpus se compose de 150 logatomes, constitués pour cette étude, qui intègrent les trois voyelles nasales et seize phonèmes consonantiques du français, tous insérés dans des contextes phonétiques variés pour maintenir l'intégrité des phénomènes naturels de coarticulation. Ainsi, bien que structurés selon la phonologie française, les stimuli sont dépourvus de signification sémantique.
Chaque test commence par une phase d'entraînement durant laquelle les participants sont exposés à six stimuli, afin de s'acclimater au processus et aux exigences du test. Cette phase initiale garantit que chaque participant comprenne la tâche avant de procéder à l'évaluation principale.
Les informateurs écoutent un ensemble de 150 stimuli, chacun répété à trois reprises et présenté dans un ordre aléatoire pour éliminer les biais de séquence. L'instruction est de catégoriser la voyelle nasale perçue pour chaque stimulus, les réponses étant consignées en temps réel.
Des pauses sont systématiquement intégrées après chaque bloc de 50 stimuli pour réduire la fatigue cognitive et optimiser la qualité des réponses. Cette structuration garantit une collecte de données robuste et fiable, alimentant ainsi l'analyse subséquente avec des insights précieux sur la perception et la catégorisation de la voyelle nasale [ɔ̃] parmi les apprenants de FLE.
Pour mesurer et analyser les données recueillies lors de cette expérience, plusieurs étapes ont été mises en place. Tout d'abord, chaque réponse donnée par les participants a été enregistrée et encodée numériquement pour faciliter le traitement ultérieur des données. Les informations recueillies comprenaient le logatome perçu par chaque participant, ainsi que le logatome réel qui a été présenté.
Ensuite, les données ont été analysées à l'aide de diverses techniques statistiques pour déterminer si les participants étaient capables de catégoriser correctement les logatomes. Pour cela, nous avons utilisé des analyses de variance (ANOVA et tests t de Student) pour comparer les moyennes des groupes. L'objectif était de déterminer s'il existait une différence significative dans la capacité de catégorisation entre les deux groupes de participants.
Pour compléter l'analyse statistique, une analyse qualitative des données a également été menée pour explorer les variations de performances entre les participants. Cette partie de l'analyse visait à identifier les tendances ou les modèles de réponses en se fondant sur les résultats observables et les erreurs commises. Bien qu'une phase de verbalisation avec les participants n'ait pas été conduite pour interroger directement les processus cognitifs, les schémas de réponses ont été examinés pour essayer d'inférer des éléments de stratégie ou de difficulté qui pourraient expliquer les différences de capacité à catégoriser les logatomes.
Dans le cadre de cette analyse, l'attention a également été portée sur les erreurs commises par les participants. En identifiant les types d'erreurs les plus courants, nous avons pu déterminer quels aspects de la catégorisation des logatomes étaient les plus difficiles pour les participants. Cette information a ensuite été utilisée pour orienter des suggestions pour améliorer la formation en phonétique.
Enfin, pour garantir l'exactitude de nos résultats, toutes les analyses ont été réalisées à l'aide de logiciels statistiques et tous les résultats ont été présentés avec des mesures d'incertitude, telles que les intervalles de confiance, pour permettre aux lecteurs de comprendre la précision de nos estimations.
En conclusion, les mesures et l'analyse utilisées dans cette étude ont été conçues pour fournir une évaluation précise et détaillée de la capacité des participants à catégoriser les logatomes.
L'entraînement spécifique développé pour notre étude a été conçu pour renforcer la capacité des participants à reconnaître et distinguer les voyelles nasales françaises. L'objectif était d'améliorer la perception des contrastes souvent mal identifiés et de perfectionner la discrimination et la production de ces voyelles pour se rapprocher de la qualité acoustique des locuteurs natifs. Ce programme s'est articulé autour des interférences et des obstacles de perception révélés par des tests diagnostiques préalables.
L'entraînement phonétique se compose d’activité d’écoute et de production, avec un accent mis sur la pratique orale. Les apprenants ont été guidés pour maîtriser les symboles phonétiques de l’API associés aux trois voyelles nasales, initialement introduits dans des mots monosyllabiques isolés à travers des tâches d'identification et de répétition.
Progressivement, les voyelles ont été intégrées dans des contextes facilitants, c'est-à-dire dans des contextes qui favorisent et renforcent un ou plusieurs traits caractéristiques sonores. Les voyelles nasales apparaissaient donc en contexte tonique et après des phonèmes consonantiques qui partageaient des attributs phonétiques communs avec les phonèmes vocaliques cibles en accord avec les principes de la méthode verbo-tonale (Billières, 2014). Par conséquent, elles ont été intégrées dans des contextes qui facilitent la distinction de leurs caractéristiques sonores par le biais de l'association avec des consonnes clarifiantes ou obscurcissantes. Ainsi, il est supposé que les phonèmes nasaux /ɔ̃/ et /ɑ̃/, lorsqu'ils sont en contact avec des consonnes dites claires formées dans les petites cavités de la bouche (comme les alvéolaires et post-alvéolaires /t/, /d/, /n/, /s/, /z/, et /l/), sont perçus plus proches du phonème [ɛ̃], plus clair, ce qui peut entraîner des confusions. À l'inverse, le phonème /ɛ̃/ associé à ces mêmes consonnes doit être distingué avec plus de facilité. En revanche, les consonnes dites obscures formées dans de plus grandes cavités (telles que les labiales et vélaires /p/, /b/, /m/, /f/, /v/, /ʁ/, /ʃ/, /ʒ/, /ɡ/ et /k/) ont tendance à assombrir le timbre des voyelles qui les précèdent ou les suivent, pouvant ainsi rendre le phonème /ɛ̃/ confondable avec /ɔ̃/ et /ɑ̃/ dans ces contextes.
Une progression graduelle a été adoptée, passant de la reconnaissance à la reproduction des sons, des configurations syllabiques élémentaires à des formes plus élaborées, et des contextes phonétiques optimaux à des situations plus complexes.
La brièveté des sessions, onze de 15 minutes et 50 minutes pour trois d'entre elles, assurait leur intégration sans perturber la progression didactique. Les séances démarraient par des exercices préparatoires associant voix et mouvements corporels pour sensibiliser les élèves à la mécanique articulatoire des sons introduits. Tous les sons étaient présentés en simultané lors de la première session, suivie d’une attention individualisée pour chaque son dans les séances subséquentes.
Les apprenants étaient engagés dans des tâches auditives utilisant des paires minimales et étaient interrogés sur la similarité ou la différence des sons. Dans les tâches de discrimination, ils écoutaient une suite de mots pour identifier la voyelle nasale cible. Des exercices de production ont été mis en œuvre pour assurer la reconnaissance et la répétition précises des sons cibles, impliquant la répétition de phrases succinctes et de dialogues ludiques (cf. figure 1.) pour stimuler la neuroplasticité et affiner la perception phonétique.
L’intégralité des directives était dispensée en français et complétée par des gestes, et toute remédiation était apportée instantanément en cas d’erreur. En définitive, cette méthode pédagogique a équipé les participants d’outils essentiels pour affiner leur perception et leur production des voyelles nasales en français.
Dans la présente section, nous discutons des données préliminaires de notre étude, en commençant par une analyse des réponses des participants relatives à la perception de la voyelle nasale [ɔ̃], dérivées du test initial (P0). Nous examinerons également la progression dans la perception de cette voyelle nasale du test initial au test subséquent (P1), et évaluerons l'influence potentielle de l'intervention phonétique sur les capacités perceptives des participants du groupe expérimental.
Pour contextualiser ces discussions, nous offrons une présentation détaillée des données obtenues lors du test initial (P0), en les stratifiant selon diverses variables. Un examen global des résultats du P0 révèle une performance moyenne de 46%, indiquant une maîtrise limitée de la discrimination de la voyelle nasale objectif de cette étude. Les scores individuels varient considérablement, oscillant entre 13% et 72%, illustrant ainsi un éventail diversifié de compétences au sein de l’échantillon comme le reflète le graphique 1 ci-après :
En examinant les résultats spécifiques, il est à noter que seulement 31 des 150 logatomes examinés (soit 20,7%) ont été identifiés avec succès dans plus de la moitié des cas. Cette observation suggère une compétence perceptive substantiellement réduite, inférieure à celle anticipée pour un ensemble d’apprenants ayant dépassé le stade débutant. Cette tendance appuie l’hypothèse selon laquelle le crible phonologique des participants compromet la distinction efficace entre les trois voyelles nasales caractéristiques du français.
La faible performance globale observée dans le test P0 corrobore l’assertion selon laquelle les participants, à ce stade, manifestent une capacité insuffisante à percevoir distinctement la voyelle nasale [ɔ̃]. Une telle constatation préliminaire souligne l’importance de stratégies pédagogiques ciblées pour améliorer la perception phonétique des apprenants dans le contexte de la phonologie française.
Dans cette sous-section, nous procédons à une analyse affinée des données du test initial (P0), en séparant les résultats obtenus par le groupe expérimental et le groupe de contrôle, afin d’examiner des tendances spécifiques et distinctives au sein de chaque groupe.
Pour le groupe expérimental, les données indiquent un taux de réussite moyen et médian s’établissant à 46%. La dispersion des scores individuels est remarquable, s’étalant principalement entre 32,5% et 61%. Près de 40% des participants de ce groupe ont surpassé le seuil de 50% de réussite. Le score minimal observé est de 14%, tandis que deux participants se distinguent par un score maximal de 73%. À noter que 66 logatomes sur l'ensemble testé ont été identifiés avec une précision d'au moins 50%.
En comparaison, le groupe de contrôle affiche une performance légèrement inférieure, avec des taux de réussite moyens et médians de 41% et 40% respectivement. Les scores individuels, moins élevés, se concentrent entre 30% et 50%. Seuls 20% des membres de ce groupe ont franchi le cap des 50% de réussite, un chiffre inférieur à celui observé chez leurs homologues expérimentaux. Les extrêmes dans ce groupe se situent à 23% pour le score le plus bas et 66% pour le plus élevé. Parmi les logatomes examinés, 46 ont enregistré un taux de réussite d’au moins 50%. Le graphique 2 ci-dessous représente les résultats du premier test en fonction du groupe.
Nous nous penchons maintenant sur une exploration plus granulaire des résultats, en ciblant spécifiquement la performance des participants en relation avec la voyelle nasale [ɔ̃]. Cette analyse est stratifiée selon la position de cette voyelle au sein des logatomes et son contexte consonantique.
Lorsque la voyelle nasale [ɔ̃] est positionnée initialement dans les logatomes, elle recueille un taux de réponse correcte de 43%. Cependant, il existe une proximité marquée avec la voyelle [ɛ̃], qui se voit attribuer un taux de 39%, indiquant une tendance à la confusion entre ces deux voyelles. La voyelle [ɑ̃] n’est choisie que modérément, avec un taux de réponse de 10%, suggérant une moindre confusion dans un contexte non tonique.
En position interconsonantique, la reconnaissance de la voyelle nasale [ɔ̃] s’améliore, affichant un taux de réponse correcte de 50%. Dans ce contexte, bien que la voyelle [ɛ̃] demeure la seconde option la plus fréquemment sélectionnée, l'écart se creuse, soulignant une meilleure discrimination de la voyelle [ɔ̃] dans cette configuration. La voyelle [ɑ̃] est à peine choisie.
La position finale offre le terrain le plus propice à la reconnaissance correcte de la voyelle nasale [ɔ̃], avec un taux de réussite atteignant 52%. Curieusement, dans ce cadre, la voyelle [ɛ̃] cède sa place en tant que seconde option la plus populaire à la voyelle [ɑ̃], ce qui souligne des dynamiques de perception variées en fonction de la position phonotactique de la voyelle.
Nous nous tournons désormais vers l'analyse des données post-entraînement, issues de la seconde évaluation (P1), afin d'examiner l'évolution de la perception de la voyelle nasale [ɔ̃] des participants suite à l'intervention pédagogique.
Une ascension notable de la performance est observée, avec un taux de réussite moyen qui s'élève à 75%, et une médiane à 77%. Bien que l'amplitude des scores soit élargie, s'étendant de 53% à 86%, la progression par rapport à l'évaluation initiale (P0) est indéniable. Même le participant ayant le score le plus bas affiche un taux de réussite de 23%, et il est à noter qu'il appartient au groupe de contrôle. Le sommet de la performance, un impressionnant 95%, est atteint par un membre du groupe expérimental.
Dans la continuation de notre étude, nous examinons les données du deuxième test (P1), réalisé après l’entraînement spécifique, en distinguant toujours les résultats entre le groupe expérimental et le groupe de contrôle, pour mieux cerner l’évolution et la dynamique de chaque groupe.
Pour le P1, le groupe expérimental a manifesté une amélioration notable de ses performances. Le score minimal est de 62%, illustrant une progression remarquable par rapport au test initial. La majorité des résultats se situent dans une fourchette de 78% à 88%, témoignant d’une consistance et d’une efficacité accrues dans la réalisation des tâches. La moyenne s’élève à 85%, avec une médiane à 82%, indiquant une concentration significative de résultats élevés. Le meilleur résultat atteint dans ce groupe est de 97%, une performance qui souligne l’efficacité des méthodes ou des conditions expérimentales implémentées.
En ce qui concerne le groupe de contrôle, bien que nous observions une amélioration, celle-ci est moindre en comparaison avec le groupe expérimental. Le score le plus bas enregistré est de 23%, ce qui est similaire au résultat du test initial. La majorité des participants ont obtenu des scores compris entre 42% et 71%, indiquant une dispersion plus large des résultats. La moyenne se situe à 58%, et la médiane est de 61%, démontrant que, bien qu’il y ait eu des améliorations, elles restent modérées. Étonnamment, le score maximal enregistré est de 97%, égalant celui du groupe expérimental, ce qui suggère que certains individus au sein du groupe de contrôle ont exceptionnellement bien performé malgré des conditions standard. Le graphique 3 suivant, illustre ces résultats :
La clarté dans l'identification de la voyelle [ɔ̃] se manifeste de manière remarquable lorsque celle-ci est placée initialement, affichant un taux de réussite de 77%, une hausse considérable de 34% par rapport à P0. La prévalence des réponses incorrectes attribuées aux voyelles [ɑ̃] et [ɛ̃] diminue significativement, témoignant d'une discrimination accrue.
La distinction de [ɔ̃] en position interconsonantique demeure dominante mais affiche un taux de réussite de 64%, inférieur à celui en position initiale. La répartition des réponses incorrectes montre une légère augmentation pour [ɑ̃] et une réduction pour [ɛ̃], indiquant des dynamiques distinctes de perception en fonction du placement consonantique.
La performance s'améliore également dans cette configuration, avec 71% de réponses correctes, marquant une progression de 19% depuis P0. Une fois de plus, une augmentation modeste des réponses pour [ɑ̃] et une diminution pour [ɛ̃] sont observées.
Ces résultats post-entraînement exposent une amélioration discernable dans la reconnaissance de la voyelle nasale [ɔ̃] à travers différentes positions phonotactiques. Bien que des variations persistent, l'ascension générale de la performance indique un impact positif de l'intervention pédagogique. Une investigation plus approfondie serait requise pour élucider les mécanismes sous-jacents de cette amélioration et pour évaluer la portée et la durabilité de l'entraînement spécifique dans l'optimisation de la perception de la voyelle nasale [ɔ̃] des apprenants.
L'interprétation des résultats obtenus lors de la seconde évaluation (P1) nous permet de tirer des conclusions significatives sur la perception de la voyelle nasale [ɔ̃] par les participants. Dans cette section, nous nous focaliserons sur l'analyse des performances de chacun des deux groupes d'étude, le groupe de contrôle et le groupe expérimental, en nous concentrant sur leur perception de la voyelle nasale [ɔ̃].
Pour le groupe de contrôle, nous observons une amélioration notable entre la première et la seconde évaluation, plus spécifiquement pour les stimuli présentant la voyelle nasale [ɔ̃] en position initiale absolue (ɔ̃CV). Cette position enregistre le plus grand gain, avec une augmentation de 26% des réponses correctes, totalisant ainsi 66% de réussite. Par ailleurs, les réponses attribuées à [ɑ̃] augmentent également de 20%, tandis que la perception de [ɛ̃] diminue considérablement, passant de 46% à 12%.
En position interconsonantique (Cɔ̃CV), la voyelle nasale [ɔ̃] reste la réponse correcte majoritaire et voit son pourcentage de réussite augmenter, passant de 49% à 64%. Notons que la perception de [ɑ̃] double, atteignant un total de 34% de réponses, alors que [ɛ̃] chute significativement.
En position finale (CVCɔ̃), [ɔ̃] reste la réponse majoritaire, recueillant 50% des réponses, bien que cela représente une légère baisse de 3 points par rapport à la première évaluation. La perception de [ɑ̃] se renforce, avec une augmentation de 18% par rapport à P0, pendant que le taux de [ɛ̃] continue de baisser. Ci-dessous, la figure 2, illustre ces résultats :
Passons maintenant au groupe expérimental. En position initiale absolue (ɔ̃CV), la progression de la voyelle nasale [ɔ̃] est particulièrement remarquable, avec une augmentation de 41% des réponses correctes, culminant à 89%. Les autres voyelles nasales, [ɑ̃] et [ɛ̃], recueillent seulement 4% des réponses chacune, ce qui signifie une baisse de 25% pour [ɛ̃] par rapport à P0.
En position interconsonantique (Cɔ̃CV), la voyelle nasale [ɔ̃] reste la réponse correcte majoritaire avec une progression de 26%, atteignant un total de 77% de réponses correctes. Il est intéressant de noter que la voyelle [ɑ̃] obtient un score presque similaire à la réponse « X » (qui suppose l’absence de voyelle nasale), surpassant cette dernière de 1%, avec respectivement 10% et 11% de réponses. Quant à [ɛ̃], elle ne recueille que 2% des réponses.
En position finale (CVCɔ̃), [ɔ̃] reste la réponse correcte majoritaire, recueillant presque toutes les réponses (94%). C'est en cette position que les résultats sont les plus probants, surpassant ceux enregistrés en position initiale absolue et interconsonantique. Les autres voyelles nasales, [ɑ̃] et [ɛ̃], recueillent chacune seulement 2% des réponses. Ci-dessous, la figure 3 illustre ces résultats :
Ces résultats soulignent l'effet de l'entraînement spécifique sur l'amélioration de la perception de la voyelle nasale [ɔ̃] par les participants du groupe expérimental. Le groupe de contrôle a également montré une amélioration, bien que plus modeste, ce qui suggère l'existence de processus d'apprentissage autonomes. Ces observations ont des implications importantes pour l'enseignement de la remédiation phonétique, qui seront explorées dans la conclusion.
La modulation des réponses, l’amélioration de la discrimination précise et la réduction des confusions inter-voyelles, attestent de la capacité des apprenants à affiner leur perception auditive à travers des mécanismes structurés et ciblés d’intervention.
L’implication évidente ici est la nécessité d’intégrer des modules d’entraînement phonétique rigoureux et adaptatifs dans les curricula, non seulement pour accélérer la maîtrise des sons spécifiques mais aussi pour contrecarrer les effets des interférences phonologiques de la langue maternelle inhérentes à l’apprentissage d’une langue seconde.
La progression distincte dans la perception de la voyelle [ɔ̃] offre également des pistes pour une adaptation pédagogique, où l'identification des points de pivot spécifiques et des zones de confusion peut guider la structuration des interventions pour une efficacité maximale.
Alors que chaque groupe manifeste une progression, l’amplitude de cette amélioration, intrinsèquement liée à l’entraînement phonétique, appelle à une exploration plus profonde des mécanismes pédagogiques et cognitifs qui sous-tendent cette évolution. Une extrapolation de ces découvertes pourrait fournir des outils précieux pour l’optimisation de l’enseignement de la remédiation phonétique dans des contextes éducatifs diversifiés.
Les résultats de cette étude mettent en lumière l'efficacité d'une formation phonétique spécifiquement dédiée à la discrimination auditive des voyelles nasales. Ils suggèrent une amélioration notable de la perception et de l'identification de la voyelle nasale [ɔ̃], ce qui invite à réexaminer et à enrichir les approches conventionnelles de la remédiation phonétique. Bien que de nombreux manuels de phonétique intègrent déjà des exercices de discrimination auditive, notre analyse révèle que des méthodes spécialement conçues pour cibler des phonèmes particulièrement problématiques, comme [ɔ̃], peuvent s'avérer particulièrement bénéfiques. En complément des techniques traditionnelles centrées sur la production orale et la transcription phonétique, l'approche adoptée dans cette recherche offre une voie prometteuse pour accroître l'efficacité de l'enseignement de la prononciation en FLE.
Le pivot vers une pédagogie enrichie par des exercices de discrimination auditive répond à une nécessité praxis-orientée. L'intégration de stimuli auditifs variés, de la répétition et de l'exposition régulière aux sons cibles dans les curricula concrétise une méthodologie adaptative, alignée avec les besoins distincts des apprenants.
Des résultats quantifiables, tels que l'amélioration notable dans la perception de [ɔ̃] en positions distinctes, orientent vers une spécialisation pédagogique. Les enseignants peuvent, en conséquence, concevoir des activités d'apprentissage focalisées, exploitant les nuances et les spécificités des positions des voyelles dans les mots.
Ces implications pour l'enseignement de la remédiation phonétique dérivent directement de nos observations dans cette étude. Notre recherche a démontré que le travail spécifique sur la discrimination auditive de la voyelle nasale [ɔ̃] peut notablement améliorer la perception et l'identification de cette dernière chez les apprenants de FLE. Ainsi, notre approche didactique pourrait être intégrée dans le cadre pédagogique de l'enseignement de la phonétique pour renforcer la compétence auditive des étudiants.
L'audition active de la langue cible renforce les capacités cognitives d'analyse acoustique, aidant ainsi à une meilleure intériorisation des caractéristiques propres aux voyelles nasales du français. Ces compétences, une fois développées, peuvent ensuite faciliter la production correcte de ces sons en parole.
Ces activités pourraient s'articuler autour de la variabilité de réalisation des voyelles nasales en fonction de leur position dans le mot, un aspect mis en évidence par nos résultats. Les supports pédagogiques pourraient inclure des stimuli auditifs divers, des enregistrements authentiques de discours, des chansons ou des extraits de films en français.
De plus, l'étude souligne également l'effet bénéfique de la répétition et de l'exposition fréquente aux phonèmes cibles dans l'apprentissage du français. Les progrès observés chez le groupe de contrôle, sans formation spécifique, mettent en évidence l'impact positif de l'exposition régulière aux sons étudiés. Ces observations suggèrent qu'intégrer des activités d'écoute récurrentes aux sons cibles peut significativement renforcer l'efficacité de la remédiation phonétique.
L'interprétation fine des résultats obtenus pour chaque position de la voyelle nasale [ɔ̃] dans le mot a également permis de mettre en lumière les difficultés spécifiques rencontrées par les apprenants. Par exemple, la voyelle [ɔ̃] en position interconsonantique semble être une source particulière de confusion. Cela pourrait inciter les formateurs à porter une attention spécifique à ce cas lors de la création de leurs activités d'apprentissage.
De plus, ces résultats soulignent le besoin de poursuivre les recherches dans ce domaine afin d'approfondir notre compréhension des processus d'acquisition phonétique. En particulier, des études futures pourraient se concentrer sur l'effet de différentes stratégies d'enseignement sur l'acquisition des sons du français. Il serait également pertinent de comparer l'efficacité de différentes méthodes d'enseignement, comme l'enseignement explicite par rapport à l'enseignement implicite, ou l'utilisation d'outils visuels, tels que le code écrit, la représentation conceptuelle des différents phonèmes de manière créative ou les schémas représentant l'appareil bucco-phonatoire, par rapport à des méthodes purement auditives afin de souligner l'importance de l'approche multisensorielle dans l’enseignement de la phonétique.
En somme, l'enseignement de la remédiation phonétique peut grandement bénéficier des conclusions de notre recherche, à la fois en termes d'approches pédagogiques et de perspectives de recherche future.
La présente étude, bien qu'elle fournisse des résultats prometteurs pour l'amélioration de la perception auditive de la voyelle nasale [ɔ̃] en français, laisse également la voie ouverte à plusieurs pistes de recherche futures. Ces constats soulèvent plusieurs questions qui mériteraient d'être explorées plus en profondeur.
Premièrement, il serait intéressant de comprendre plus précisément comment la position d'une voyelle nasale dans un mot influence sa perception. Une étude future pourrait se concentrer spécifiquement sur cette question, en investiguant par exemple si des patterns similaires sont observés avec d'autres voyelles nasales, ou comment la nature des consonnes environnantes peut influencer la perception.
Deuxièmement, l'effet de l'entraînement phonétique spécifique sur la perception auditive mérite d'être approfondi. Notre étude a révélé une amélioration significative de la perception de la voyelle nasale [ɔ̃] chez les participants ayant reçu un entraînement spécifique. Il serait pertinent d'examiner en détail le contenu de cet entraînement, pour déterminer quels aspects sont particulièrement efficaces et pourquoi.
Troisièmement, il serait utile d'étudier le transfert de compétences entre la perception auditive et la production orale. Notre étude a principalement porté sur la perception, mais il serait intéressant de voir dans quelle mesure l'amélioration de la perception se traduit par une meilleure production.
Enfin, une autre direction intéressante serait d'étudier l'effet de l'âge, du niveau de langue, du contexte d'apprentissage et de la langue maternelle des apprenants sur l'acquisition de la voyelle nasale. Ces facteurs pourraient avoir un impact significatif sur l'apprentissage et permettre de mieux comprendre la variabilité interindividuelle observée dans notre étude.
Cependant, une question demeure : ces résultats se seraient-ils maintenus après une période prolongée sans entraînement ?
À la lumière de ces constatations, il est évident que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer et étendre nos conclusions. Il est crucial d'augmenter la diversité de notre échantillon en l'étendant à une variété de contextes socio-éducatifs et d'explorer l'impact de ces enseignements sur différents groupes linguistiques et niveaux d'éducation. De tels efforts permettront d'approfondir notre compréhension des dynamiques d'acquisition phonétique et d'affiner les techniques de remédiation pour un spectre plus large d'apprenants. En particulier, il serait intéressant de comparer nos conclusions avec celles d'une étude portant sur des locuteurs natifs de français pour voir si un "effet plafond" est observé. Il est probable que même les locuteurs natifs n'atteignent pas une précision de 100 % pour tous les stimuli dans ce type de tests de catégorisation.
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